Tribune dans le Figaro : « Le Maroc, trait d’union entre l’Europe et l’Afrique »
Le Maroc, trait d'union entre l'Europe et l'Afrique
L'opération « Serval » est terminée. Place à l'opération « Barkhane ».
Nos soldats, engagés au Mali, combattent avec courage et dévouement, face à un ennemi sans visage, insaisissable : le terrorisme international. La mort récente d'un neuvième soldat rappelle, avec douleur, le prix de l'engagement de nos forces armées en opérations extérieures.
Mais le lancement de l'opération « Barkhane » pose une question fondamentale : la France est-elle condamnée à mener ce combat seule ?
Ce qui se passe au Sahel est une menace pour le monde entier, bien au-delà de cette seule région.
L'opération « Barkhane » se fera en coordination avec cinq pays voisins du Mali, une bonne nouvelle mais avant tout une nécessité. La France a besoin de leur appui et de leur connaissance de la région pour éradiquer des groupes terroristes qui défient nos valeurs les plus fondamentales.
Mais nous devons aller plus loin. Alors que le gouvernement envisage de réduire le budget de la défense, la France s'engage de plus en plus seule sur les théâtres d'opérations extérieures. Nos soldats ne peuvent plus servir de boucliers humains à nos partenaires européens !
Une politique de défense commune, nous en parlons depuis plus de vingt ans, depuis le traité de Maastricht. L'Europe ne doit pas prendre le prétexte de sa lenteur, des blocages, pour éviter d'intervenir franchement, en complément de l'action des États, alors que l'intérêt de tous les peuples européens est en jeu.
Mais nous ne pouvons pas non plus nous arrêter à un outil militaire européen. Nous devons nous servir de la dynamique enclenchée par la politique européenne de voisinage pour en faire une force au service de la lutte contre le terrorisme, pour combattre la barbarie, les trafics - d'êtres humains, d'armes, de stupéfiants - qui se multiplient aux frontières de l'Europe, en élargissant le cercle des pays concernés par cette politique s'il le faut.
Au Moyen-Orient, la France et l'Europe discutent avec le Qatar, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, mais de manière bilatérale, sans cohérence, ni stratégie. Il est urgent de mettre ces partenaires ensemble autour d'une table et d'obtenir des résultats concrets. L'issue des crises syrienne, irakienne ou libyenne passe par eux !
Sur le continent africain, des pays comme le Cameroun, qui a été indispensable pour la France dans la libération d'otages, l'Algérie qui s'engage pour la paix au Mali, le Niger où s'est rendu le président Hollande, et d'autres sont des alliés de poids sur lesquels nous devons compter face aux défis sécuritaires en Afrique.
Mais il y a un pays qui se distingue de plus en plus, compte tenu de sa stabilité remarquable, de sa vision et de sa diplomatie africaine reconnue. Ce pays, c'est le Maroc.
Au-delà de sa stabilité économique confirmée, le Royaume chérifien se distingue par sa stabilité politique exemplaire. Le roi Mohammed VI a permis la tenue d'élections législatives anticipées sereines en 2011, suite à une réforme historique et audacieuse de la Constitution marocaine, intervenue dans un contexte régional mouvementé, celui des printemps arabes. La situation chaotique en Égypte, en Libye et la lenteur des progrès en Tunisie soulignent l'exceptionnelle stabilité du Maroc.
Le modèle religieux marocain joue également un rôle prépondérant dans l'équilibre de la société marocaine. Le Maroc démontre, avec force, que traditions et islam ne s'opposent pas à la modernité et au développement de la démocratie. Il est un exemple pour l'Afrique subsaharienne. D'ailleurs, face à la menace de forces terroristes et djihadistes, 500 imams maliens ont été envoyés au Maroc pour y être formés, suite à un accord maroco-malien.
S'appuyant sur ces réussites, le Maroc a tendu la main à ses voisins du Maghreb, mais aussi à l'ensemble des pays du continent africain.
Le roi Mohammed VI ne manque pas une occasion - comme récemment en Tunisie - de redire sa volonté de relancer l'Union du Maghreb arabe (UMA). Au-delà des différends qui peuvent subsister, le Maroc a compris la nécessité de redonner une dynamique à ce groupement d'États, situés à l'interface entre l'Europe et l'Afrique.
La tournée africaine récente du roi Mohammed VI a été une nouvelle occasion de prendre le pouls de l'influence du Maroc sur l'ensemble du continent africain. L'accueil qui lui a été réservé démontre la capacité du pays à être un partenaire solide pour comprendre et affronter les défis qui se posent à l'Europe au Sahel et ailleurs en Afrique.
Nous devons donc, en Europe, nous donner les moyens de soutenir ce pays et la volonté du Maroc de jouer le rôle de trait d'union entre l'Europe et l'Afrique. Notre avenir sera nécessairement commun. Il le sera « pour le meilleur » si nous le voulons bien, mais « pour le pire » si nous ne faisons rien.
Tribune_LeFigaro_30072014