La crise grecque relance le débat sur la gouvernance économique européenne

10 mai 2010

Comment sortir la Grèce de la crise budgétaire dans laquelle elle s’enlise? C’est la question à laquelle l’Europe a dû tenter de répondre dans les premiers mois de l’année 2010. Alors que la République hellénique se trouve dans une impasse économique sans précédent, il ne faudrait pas que sa déroute entraîne dans son sillage l’ensemble de la zone euro. Nous comprenons aujourd’hui que la Grèce, c’est l’affaire de tous!   

 

A l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement en octobre dernier, on a constaté que les prévisions de déficit budgétaire et de dette publique pour l’année 2009 ont été largement sous-évaluées. Depuis -et il convient de le souligner- le gouvernement grec a mis en place des mesures d’austérité impressionnantes pour tenter de revenir à une situation budgétaire moins grave. Mais le travail à accomplir est immense et ne peut se faire sans l’aide des autres pays de la zone euro.

 

Ainsi, un plan exceptionnel, étalé sur trois ans, d’environ 110 milliards d’euros a été activé le 2 mai dernier par les Etats membres de l’Eurogroupe. Cette aide est composée de prêts bilatéraux (environ 80 milliards d’euros) des Etats membres de la zone euro et par une contribution du Fonds Monétaire International (environ 30 milliards d’euros). L’octroi de cette aide devra bien évidemment aller de pair avec la poursuite de la mise en œuvre des mesures d’austérité par la Grèce.

 

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Mais au-delà du cas grec, il faut que nous regardions vers l’avenir. Comment pouvons-nous tirer des enseignements d’une telle débâcle? Comment éviter une contagion vers d’autres pays européens? Et que faisons-nous pour garantir des comptes publics plus sains en Europe?

 

Face à ces chocs économiques d’une ampleur inégalée, la seule réponse viable doit être une réponse coordonnée, il faut songer à mettre en place une gouvernance économique européenne plus claire. Les « vieilles recettes » nationales ne peuvent fonctionner dans une Union sans cesse plus étroite, où le degré d’interdépendance de nos économies n’a jamais été aussi important. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’aborder ces problèmes avec Jean-Claude JUNCKER, Président de l’Eurogroupe, lors de son passage au Parlement européen, il y a quelques semaines.

 

Il y a certes déjà une gouvernance économique mais elle n’est pas clairement définie et suscite des controverses quant à son efficacité.

 

Comparons la gouvernance économique européenne à un avion. On peut se poser plusieurs questions : d’une part, y a t-il un pilote dans l’avion? Et d’autre part, s’il y a un pilote ou même plusieurs, qui sont-ils ?

 

L’une des faiblesses de la gouvernance économique en Europe est sa très grande complexité institutionnelle. Elle agrège de nombreux acteurs (peut-être trop?) sur plusieurs niveaux. Réfléchissons, nous avons la Banque Centrale Européenne, les Etats membres, la Commission européenne, l’ECOFIN, l’Eurogroupe…

 

En résumé et simplifié : qui fait quoi ?

 

1. La BCE (Banque Centrale Européenne) définit et met en œuvre la politique économique et monétaire de l’UE;

 

2. Les Etats membres ont compétence en matière de politique budgétaire et sont chargés de coordonner leurs politiques économiques;

 

3. La Commission européenne surveille la politique économique des Etats membres;

 

4. Le Conseil Ecofin (Conseil qui réunit les 27 Ministres de l’Economie et des Finances de l’Union européenne ainsi que les Ministres compétents en matière de budget lorsque des questions budgétaires se posent) est compétent pour la coordination des politiques économiques des Etats membres, le contrôle de la politique budgétaire et des finances publiques des Etats membres…;

 

5. L’Eurogroupe : il s’agit de la réunion des 16  Ministres de l’Economie et des Finances de la zone Euro, qui se concertent sur les questions financières de la zone Euro;

 

Il y a donc une gouvernance à 2 vitesses, une à 16 et une à 27, sans compter que l’Eurogroupe peut éventuellement soulever des frustrations pour les Etats qui n’en font pas partie.

 

Nous avons aussi, actuellement, des instruments qui manquent de crédibilité :

 

- un pacte de stabilité et de croissance qui n’est pas particulièrement respecté par certains « grands » pays. Cette application non rigoureuse a pu faire naitre un sentiment de rancœur de certains « petits » pays qui sont partisans, quant à eux, d’une application stricte des règles européennes car ils ont dû pratiquer une politique budgétaire parfois brutale

 

- une stratégie de Lisbonne qui ne s’est pas révélée à la hauteur des objectifs fixés…

 

Au final, la gouvernance économique européenne semble avoir plusieurs pilotes et des instruments peu efficaces. A la vue de ce qui se passe en Grèce, il semble important de réagir pour éviter de nouvelles turbulences.

 

Dès lors, quelles solutions peut-on envisager ?

 

Aujourd’hui, il me parait fondamental d’aller vers un véritable gouvernement économique européen. Sa mise en place correspond à une volonté maintes fois exprimée par la France et le Président SARKOZY. 

 

Cependant il faudrait déterminer ce qu’on entend par gouvernement économique européen? Qui en sera le pilote?

 

L’Europe réfléchit à ce qu’impliquerait l’établissement d’un tel mécanisme. Le Conseil européen a récemment demandé à son Président, Herman VAN ROMPUY, de prendre la tête d’un groupe de travail permettant de dégager des pistes pour un gouvernement économique européen. 

 

Ce qui est certain, c’est que l’on ne pourra recommencer comme avant. L’Europe doit trouver une solution pérenne pour éviter la survenance de nouvelles crises qui menaceraient à nouveau l’Europe toute entière.

 

Ceci est d’autant plus vrai que l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande se trouvent dans une situation budgétaire délicate.

 

Pour contrer un éventuel « effet domino » qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la zone euro, je suis convaincue qu’il faut commencer par constituer une structure économique simplifiée et cohérente.

 

Hier, à l’occasion d’une réunion exceptionnelle, l’Union européenne s’est mise d’accord sur l’établissement d’un plan historique de stabilisation de la zone.

 

Ce nouveau dispositif est tout à fait innovant et met en place une sorte de « FMI européen ». Comment fonctionne-t-il ?

 

Il s’agit d’un système à deux niveaux :

 

Le premier niveau consiste en la création d’un fonds de 60 milliards géré par la Commission européenne pour les pays membres de la zone euro. Ce fonds permettrait de venir en aide aux Etats en difficultés.

 

Puis, sur un deuxième niveau se trouve une enveloppe maximale de 440 milliards d’euros. En clair, les Etats dont la santé financière est meilleure pourront garantir les emprunts des Etats les plus faibles. Le FMI y ajoutera 250 milliards d’euros supplémentaires.

 

C’est aussi cela l’Europe qui protège, car en mettant en œuvre un plan historique ce sont l’ensemble des citoyens européens qui sont protégés.

 

N’oublions cependant pas que cette initiative ne doit pas laisser sous-entendre qu’à présent, les Etats peuvent dépenser sans compter ! Ce mécanisme mis en place est un « mécanisme d’urgence », les Etats doivent  maitriser au mieux leurs dépenses publiques.

Publié par Rachida Dati dans Billets d’humeur