Panneaux solaires chinois : ma lettre au Commissaire européen au Commerce

31 mai 2013

Monsieur le Commissaire européen,

 

Dans un contexte de crise, une action déterminée pour soutenir nos entreprises dans la compétition internationale, et donc les emplois des Européens, est plus que jamais nécessaire.

 

Je tiens donc à vous assurer de mon soutien dans votre action pour préserver le secteur photovoltaïque européen. Je vous invite à tenir bon contre ces Etats qui veulent vous décourager, dans une vision timorée et de court terme.

 

Comme vous l'avez exprimé récemment, le rôle de la Commission européenne est de défendre les intérêts stratégiques européens. Cette mission, elle doit l'exercer de manière indépendante et déterminée, notamment vis-à-vis des importations chinoises, dans le domaine des panneaux photovoltaïques comme pour d'autres secteurs. Vous avez eu ce courage qui a tant manqué à Monsieur Barroso ces dernières années.

 

La position de l'Europe doit être claire : la Chine est un grand pays et un partenaire commercial incontournable, mais nos échanges doivent être fondés sur des règles claires. L'Europe et la Chine sont des amis, nous pouvons donc nous parler franchement. La Chine doit en particulier respecter les règles de réciprocité dans l'accès aux marchés, afin de garantir un meilleur équilibre de nos relations commerciales. Evidemment, nous croyons qu'une solution par le dialogue est toujours la meilleure. Mais rien ne doit être exclu.

 

Jusqu'à présent, l'Europe a eu du mal à transformer son poids économique en puissance politique pour défendre les intérêts européens dans les négociations commerciales. Elle envisage aujourd'hui de s'armer contre les pratiques déloyales, en particulier grâce au renforcement des instruments de défense commerciale que vous entendez mener. C'est une attente forte des Européens, elle rend l'Europe crédible et utile.

 

Il est plus que temps de mettre fin à la naïveté dont a trop souvent fait preuve l'Europe dans les négociations commerciales, notamment sur la question des marchés publics. Les marchés publics européens ont largement été ouverts dans le cadre de l'Accord sur les marchés publics conclu à l'OMC. Or plus de la moitié des marchés publics au niveau mondial sont encore fermés ! Et ce protectionnisme a des conséquences négatives sur les entreprises européennes, dont le manque à gagner a été estimé à 12 milliards d'euros l'an dernier par la Commission.

 

C'est la raison pour laquelle je soutiens la proposition de la Commission, présentée il y a déjà un an, pour un nouveau règlement relatif à l'accès aux marchés publics des pays tiers. Un tel règlement permettrait de renforcer l'action de l'Union dans les négociations commerciales, avec pour objectif l'ouverture des marchés publics de nos partenaires. Il permettrait également de clarifier les règles d'accès aux marchés publics européens. Cette initiative va dans le sens d'une meilleure réciprocité de nos échanges internationaux, et je ne peux que l'encourager.

 

Mais devant la menace que font peser ces déséquilibres sur les entreprises européennes, nous devons aller plus loin. Au Parlement européen, j'ai proposé de renforcer le "Small Business Act" pour faciliter l'accès des PME aux marchés étrangers. Reprenant un débat lancé par ma famille politique lors de la dernière élection présidentielle française, je me suis également engagée pour réserver 20% des marchés publics aux entreprises européennes. Et parce que le respect de nos engagements environnementaux ne doit pas desservir nos entreprises, je milite pour la création d'une "taxe carbone aux frontières", pour rétablir l'équilibre de nos échanges, et inciter les pays tiers à réduire leurs émissions.

 

La politique menée aujourd'hui par la Commission européenne va dans le sens d'une plus grande équité dans nos échanges commerciaux. Mais nous devons faire plus pour aider les entreprises européennes dans la compétition internationale et préserver nos emplois. Protéger les Européens, ce n'est pas mener une politique protectionniste. C'est garantir que les règles du commerce international s'appliquent à tous. C'est une politique forte mais équilibrée que doit mettre en œuvre la Commission européenne dans ce domaine, et votre action sera déterminante dans ce sens. Les Européens comptent sur vous !

 

Je vous prie de croire, Monsieur le Commissaire européen, en l'expression de mes salutations distinguées.

 

Rachida Dati

Publié par Rachida Dati dans Billets d’humeur