Pour une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne
Il n’y a même pas un an, tous les Députés européens aujourd’hui élus, étaient engagés dans la campagne pour les élections européennes.
Dans ce contexte de crise financière sans précédent, les candidats devaient alors répondre à vos questions. Comment faire pour que l’Europe soit plus proche de vos préoccupations? Comment faire advenir une Europe qui protège réellement ses 500 millions de citoyens, et qui ne soit pas perçue comme déconnectée des réalités quotidiennes?
Aujourd’hui, dans notre travail de Député européen, ces questions devraient quotidiennement occuper nos esprits.
Les enjeux économiques et climatiques doivent compter parmi les priorités de l’Europe, dans les mois et années à venir.
L’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne répond à ces enjeux. En effet, elle permettrait aux entreprises européennes de rester vertueuses en matière de lutte contre le changement climatique, tout en préservant leur compétitivité et les emplois de leurs salariés.
Comment en est-on arrivé là ?
L’Europe est, sans conteste, aux premiers rangs de la lutte contre le changement climatique. On a appris récemment, par exemple, que l’Union européenne [1] devrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 13% [2] en 2012 alors que l’objectif prévu par le protocole de Kyoto était de 8% [3]. Par ailleurs, comment ne pas mentionner l’ambitieux Paquet Energie Climat, adopté en décembre 2008, qui contient un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% d’ici 2020.
Avant la Conférence de Copenhague, la France et l’Union européenne ont beaucoup travaillé en amont pour préparer les négociations de décembre dernier. Au Parlement européen, à plusieurs reprises, tout en souhaitant l’obtention d’un accord fort à Copenhague, j’ai indiqué qu’en cas de résultats non-satisfaisants, il faudrait que l’Europe songe à créer une taxe carbone aux frontières. Il s’agit de lutter contre les risques liés au dumping environnemental.
Copenhague passée, un accord trop faible trouvé, la taxe carbone aux frontières apparaît comme une évidence. Comment, en effet, pouvons-nous abandonner nos entreprises et nos emplois à la concurrence déloyale de pays qui persistent à refuser de s’engager de manière ambitieuse pour la lutte contre le changement climatique?
Schématiquement, ce qui serait proposé, c’est d’introduire un mécanisme aux frontières de l’Union européenne pour taxer les importations de produits venus de pays tiers, qui ne respectent pas des normes environnementales aussi importantes que nous, en Europe. Il ne s’agit pas d’imposer nos entreprises ou les citoyens européens, mais bien les produits venus de pays tiers.
N’étant pas assujetties à de telles contraintes, les entreprises de pays tiers peuvent produire à un coût plus faible et pratiquer des prix nécessairement plus faibles que ceux des produits européens. Il s’agit donc d’une situation de concurrence déloyale.
Et si je dis « déloyale », c’est que nous avons une responsabilité partagée dans la protection de la planète contre les effets du changement climatique! Voir des pays qui figurent pourtant parmi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre refuser de s’engager aussi fortement que nous, n’est pas acceptable.
C’est ainsi qu’en début d’année, j’ai profité de l’audition des Commissaires-désignés pour les inciter à œuvrer dans le sens de l’instauration d’une telle taxe.
J’ai aussi souhaité susciter le débat parmi mes collègues, en faisant appel à leur volonté de voir le Parlement promouvoir des mesures qui protégeront efficacement nos entreprises et nos concitoyens. Pour ce faire, j’ai déposé un amendement à une résolution sur les résultats de la Conférence de Copenhague, soumise au vote à Strasbourg le 10 février dernier. Cet amendement prévoyait d’inviter la Commission européenne à proposer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne.
J’ai finalement retiré cet amendement dans l’hémicycle afin de ne pas gêner les négociations au Conseil. J’ai considéré également que l’objectif était atteint : celui d’envoyer un message clair à la Commission européenne et de susciter le débat parmi les Députés européens.
Dans ce débat, j’ai été déçue par le Parti Socialiste qui a fait volte – face en s’exprimant contre une telle taxe, alors que M. Pargneaux, au nom des Député socialistes, la soutenait encore il y a quelques mois [4]. Cette nouvelle position doit sans doute plus à des intérêts politiques et électoralistes, qu’à une réelle volonté d’agir au mieux pour l’Europe.
La protection des citoyens européens vaut mieux que cela.
[1] A 15 Etats – membres (lors de la signature du Protocole de Kyoto, l’UE ne comptait encore que 15 membres)
[2] par rapport aux niveaux de 1990
[3] Voir un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement, publié en Novembre 2009