Rachida Dati, ancien garde des Sceaux, député européen, conseiller politique de l’UMP en charge de l’Europe, a lancé le 31 mai 2010 « les petits déjeuners européens » du Mouvement Populaire.
Le thème abordé lors de ce premier rendez-vous était : « Les enjeux européens de l’Energie » en présence de Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, des principaux acteurs du secteur de l’énergie et de parlementaires.
Le débat a porté sur la mise en œuvre de la nouvelle compétence européenne en matière d’énergie, sur les projets de réglementations en cours, sur le grand défi de l’indépendance énergétique et sur la sécurité de l’approvisionnement.
Soulignant que le Parlement européen était à présent un acteur de poids dans la prise de décision sur les questions énergétiques, Rachida Dati a indiqué aux experts que les parlementaires étaient à leur écoute et disposés à les recevoir pour se saisir des enjeux fondamentaux liés à l’énergie : l’indépendance, la sécurité, l’emploi ou encore l’environnement.
Dans notre société, l’énergie est une condition du développement de toute activité, qu’elle soit biologique, économique ou sociale
Après avoir resitué avec justesse la place de l’énergie dans notre société, comme condition du développement de toute activité, qu’elle soit biologique, économique ou sociale, Bernard Bigot s’est inquiété de voir la dépendance de l’Union européenne s’aggraver au fil des ans (45% en 1997, 54% en 2010, entre 70% et 80% en 2030). En effet, l’Europe représente 1% des réserves mondiales de pétrole, 1,5% des réserves mondiales de gaz naturel, 4% des réserves mondiales de charbon, et pourtant l’Europe consomme 16% de l’énergie mondiale.
Avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier et la Communauté européenne de l’énergie atomique, l’Europe a compris l’importance du sujet énergétique. Toutefois, Bernard Bigot constate que l’action actuellement menée ne s’inscrit pas dans cette voie.
Au service de son indépendance et de sa sécurité, l’Europe a besoin d’un projet énergétique cohérent et clair
Citant la politique de la France des années 1970 et le projet énergétique d’alors, Bernard Bigot appelle de ses vœux un volontarisme politique national et européen au service d’un projet clair, cohérent et ambitieux. Qu’il s’agisse, du nucléaire, des énergies renouvelables ou encore des autres sources d’énergie, il faut raisonner sur le long terme. Dans cette optique, il faut également diminuer la dépendance (le coût des importations a plus que doublé entre 2003 et 2008), diminuer les émissions de gaz à effet de serre et faire des choix technologiques et industriels qui permettront de préserver notre compétitivité.
Enfin, Bernard Bigot a souhaité indiquer que le refus, au niveau européen, de qualifier le nucléaire d’énergie décarbonée était un non-sens total qui mettait en péril un projet européen sérieux.
Réagissant à l’objectif européen de 20/30 % de diminution des gaz à effets de serre, Jacques Lesourne a appelé au réalisme et dénoncé les politiques d’objectifs quasiment jamais atteints qui décrédibilisent l’Europe. Contrairement au 30%, l’objectif de diminution de 20% d’ici 2020 lui semble ambitieux et raisonnable. Ainsi, selon lui, la conférence de Copenhague n’a pas été un échec du fait notamment qu’elle a permis à la Chine de prendre conscience des enjeux énergétiques. Sur ce point, Alain Bucaille (directeur de la recherche et de l’innovation-AREVA)a indiqué que « si l’Europe entendait traiter réellement la question Climat avec un effet d’entrainement il lui fallait vite afficher l’objectif de 300g CO2/Kwh pour la fabrication d’électricité d’ici 2030, au pire 2035 ».
Par ailleurs, Jacques Lesourne (économiste et polytechnicien-IFRI) a dénoncé une politique de concurrence qui empêcherait à de grands groupes d’émerger, mettant ainsi en danger nos fleurons industriels. Il craint alors que dans cette perspective l’Europe ne se « suicide ». Au nom du bon sens, il a appelé à une mise en commun intelligente et efficace des financements européens et nationaux au service de la recherche.
On ne doit pas décloisonner tous les sujets, l’énergie doit être traitée comme un tout
Pour Alain Bucaille, l’Europe tergiverse et prend du retard. Pendant ce temps Barack Obama met en place une commission qui s’intéresse efficacement à l’avenir nucléaire des Etats-Unis, dans une perspective programmatique et de projet.
Alain Bucaille, Rachida Dati ainsi que Constance Le Grip (Député européen) considèrent que les débats sont démesurément cloisonnés alors même que les sujets sont liés (réglementations et objectifs). Dépendance, climat et compétitivité doivent être traités conjointement. L’énergie doit être pensée dans son ensemble.
Sur ce point, Bernard Bigot a salué la proposition de Jerzy Buzek (Président du Parlement européen) et de Jacques Delors de créer une Communauté européenne de l’énergie, ou du moins une enceinte qui aurait une vision globale de la politique énergétique.
Marc Strauss (conseiller au cabinet de Jean-Louis Borloo)a également souligné l’importance de décloisonner les sujets : relations avec les pays fournisseurs, climat, réduction des émissions de gaz à effet de serre, efficacité énergétique, diversification des sources d’approvisionnement, organisation du marché intérieur (règles de concurrence).
Didier Sire (Executive Vice President de la branche énergie Europe et International-GDF/SUEZ) estime que, « vu les restrictions que certains pays souhaitent imposer au nucléaire, le maintien du niveau actuel de la production est déjà un objectif ambitieux ».
Selon lui, la politique d’approvisionnement doit s’inscrire dans une perspective d’interdépendance. Bruno Lescoeur (directeur délégué activité gaz – membre du comité de direction du groupe-EDF) a indiqué son accord sur ce point, ajoutant que l’Europe partage avec la Russie une communauté d’intérêts.
Le monde politique doit comprendre que de nombreux enjeux nationaux ont une dimension européenne
En prenant l’exemple de l’énergie, Rachida Dati a tenu à souligner la forte dimension européenne de nombreuses politiques. En effet par le Traité de Lisbonne, l’énergie est devenue une compétence partagée entre les Etats membres et l’Union européenne.
C’est dans le même esprit que Rachida Dati souhaite organiser le prochain petit déjeuner européen au mois de juin sur le thème de l’immigration.