C’est une tendance qui étonne, voire dérange. Dans un pays où l’on considère le frigo comme un indispensable absolu du foyer moderne, certains Français font aujourd’hui le choix radical de s’en passer complètement. Ni congélateur, ni bac à légumes, ni petit compartiment pour le beurre. Rien.
Et contre toute attente, ils ne vivent pas moins bien — certains affirment même vivre mieux.
Alors, simple effet de mode… ou vrai changement de société ?
Une démarche marginale devenue mouvement silencieux
Pendant longtemps, ne pas avoir de frigo était un signe de précarité. Aujourd’hui, de plus en plus de foyers choisissent consciemment de s’en débarrasser, même lorsqu’ils en ont les moyens.
“Je m’en suis séparée pendant un déménagement, et je n’en ai jamais racheté. Moins de bruit, moins de factures, moins de gaspillage”, explique Émilie, 34 ans, qui vit à Lyon avec son compagnon.
Des témoignages comme celui-ci se multiplient, notamment sur les réseaux et dans certains cercles minimalistes, décroissants ou “low tech”.
Selon une enquête confidentielle réalisée en 2024 pour un fabricant d’électroménager, plus de 6 % des foyers urbains jeunes en France auraient volontairement renoncé au frigo. Une tendance encore marginale, mais en progression.
Moins d’électricité, moins de dépendance, moins de déchets
Les motivations sont multiples, mais reviennent toujours à trois grands principes :
- Faire des économies d’énergie : un réfrigérateur consomme entre 100 et 500 kWh par an.
- Limiter le gaspillage : sans frigo, on achète en plus petites quantités, on cuisine davantage, et on évite les achats superflus.
- Retrouver un rapport plus direct à l’alimentation : marchés, produits secs, bocaux, fermentation, conserves maison…
“Quand on n’a pas de frigo, on est obligé de réfléchir à ce qu’on mange, et à comment on le conserve. On redécouvre des gestes oubliés”, raconte Thomas, 29 ans, installé en Corrèze.
Certains évoquent même un bénéfice mental : moins d’encombrement, moins de bruit constant, et la sensation de “vivre plus simplement”.
Mais est-ce vraiment viable au quotidien ?
Tout dépend du mode de vie. Dans une grande ville, avec un marché ou une épicerie de quartier, vivre sans frigo est largement faisable, à condition d’adapter ses habitudes.
Beurre en quantité limitée, lait végétal, fruits et légumes à température ambiante, yaourts consommés dans la journée, plats cuisinés plutôt que produits ultra-transformés…
En revanche, les familles nombreuses ou les foyers en zone rurale isolée auront plus de mal à s’en passer complètement.
“Nous avons gardé un petit frigo de camping pour les fortes chaleurs, mais on l’utilise à peine deux mois dans l’année”, admet un couple de retraités en Dordogne.
Certains optent aussi pour des alternatives ingénieuses :
- Celliers ou caves naturelles,
- Poteries réfrigérantes (“zeer pots”),
- Conserves maison et bocaux sous vide.
Une remise en question du “tout-électrique” ?
Cette tendance s’inscrit dans un mouvement plus large : celui d’un retour à une vie moins dépendante de la technologie permanente.
Avec la crise énergétique, la prise de conscience écologique, et l’envie de reprendre le contrôle sur son mode de vie, le frigo, longtemps symbole de progrès, devient pour certains un marqueur d’excès.
“C’est un choix politique autant qu’écologique”, résume une militante du réseau “Décroissance conviviale”. “Ne pas avoir de frigo, c’est dire non à une société qui nous pousse à stocker, à surconsommer, à oublier comment vivaient nos grands-parents.”
