Les députés français ont adopté un amendement à la loi de finances de la sécurité sociale pour 2026, appelant les Américains et d’autres ressortissants non-membres de l’UE venant en France avec des visas de séjour de longue durée « visisteurs » à payer une nouvelle ‘prime minimale’ destinée à leur couverture santé. Le projet de loi contenant cela est actuellement à l’examen au Sénat. Nous avons rencontré François Gernigon (Horizons, Maine-et-Loire, Pays de la Loire).
Connexion : Qu’est-ce qui vous a donné l’idée ? Aviez-vous des exemples précis en tête ? Par exemple, en présentant votre amendement, vous avez évoqué certaines agences d’expatriation qui promeuvent l’idée de venir profiter du système de soins gratuit. Avez-vous vu quelque chose de particulier ?
François Gernigon : J’ai un électeur qui est Français et marié à une Américaine. Ils ont vécu aux États‑Unis pendant de nombreuses années.
Lorsqu’ils sont revenus en France, ils ont des amis américains qui vivent en France et qui s’indignent de pouvoir bénéficier de notre système de sécurité sociale sans payer quoi que ce soit. C’est donc elle qui est venue m’en parler.
Elle m’a montré des articles de journaux, dont des articles de CNN. Et, à l’approche du débat budgétaire, j’ai dit que je déposerais un amendement sur le sujet, pour discuter de la question puis le mettre sur la table. Personnellement, c’était nouveau pour moi.
Je me suis rendu compte que personne n’était conscient des conséquences de cette loi [créant le système « Puma » des droits à l’assurance maladie par la résidence], qui date de 2016. Même les autorités, me semble-t-il, découvrent seulement maintenant les conséquences de cette question. Donc ce que je préconise n’est pas du tout destiné à blâmer nos amis américains.
En réalité, on parle des Américains, mais en fait il s’agit de tous les ressortissants étrangers hors UE qui bénéficient d’une certaine façon de ces conditions. Autrement dit, il faut résider en France au moins trois mois et posséder un visa de long séjour. Pour ce faire, il faut prouver ses revenus, prouver que l’on dispose d’une assurance privée, puis, après trois mois, on peut obtenir une carte d’assurance maladie sans payer de cotisations, tout simplement, comme ça, gratuitement.
Et les ressortissants étrangers résilient leur assurance privée et bénéficient de la couverture maladie en France. Donc, je ne suis pas contre cela, mais à condition qu’il y ait une contribution. Et ensuite, il s’agit d’une question d’équité, car les Français, lorsqu’ils sont à l’étranger, ne bénéficient pas des mêmes conditions.
Connexion : Il y avait un sous-amendement qui a également été adopté, qui disait que, en principe, il y aura un décret qui examinera s’il devrait y avoir des exceptions selon les accords de sécurité sociale qui existent avec certains pays. Pensez-vous que cela soit normal ?
FG : En tout cas, mon amendement et le sous-amendement qui a été adopté suivent leur chemin législatif. Cela signifie qu’à présent, le texte est transmis au Sénat. Nous verrons comment le Sénat traitera la question.
Une fois que le texte reviendra du Sénat, j’examinerai comment il a évolué. Et je resterai bien sûr attentif à la question, afin de voir quel décret pourrait être émis, ou si la loi doit être modifiée.
Connexion : Il est possible, à l’examen des accords bilatéraux existants, qu’il existe certains avec un certain degré de réciprocité…
FG : La réciprocité ne signifie pas l’équité. En France, nous avons un système d’assurance maladie qui est unique au monde, et sans doute le meilleur au monde.
C’est pourquoi nous sommes dans une situation financière difficile. Il ne faut pas masquer ce fait. Il est certain que les contributions des ressortissants étrangers ne combleront pas le déficit de la sécurité sociale, mais elles y contribueront au moins.
Il s’agit d’une question de justice et, surtout, d’équité. Quand nous parlons d’accords internationaux, oui, mais à condition qu’ils soient équitables. Or aujourd’hui, ils ne le sont pas, bien au-delà.
Connexion : Oui, parce que nous avons examiné les pays avec lesquels la France a des accords de sécurité sociale. Il y a les États‑Unis, par exemple, mais il ne semble pas qu’une personne française qui s’installe aux États‑Unis bénéficie d’une couverture médicale gratuite là-bas.
FG : Oui, lorsque nous parlons d’accords réciproques, ils doivent aussi être équitables.
Un ressortissant français qui va vivre aux États‑Unis n’aura pas la même couverture de sécurité sociale qu’un ressortissant américain qui vient vivre en France. L’équité doit être restaurée.
Connexion : Vous êtes peut-être au courant que les ressortissants britanniques qui prennent leur retraite du système britannique de sécurité sociale, en raison des accords post-Brexit, peuvent bénéficier via le formulaire S1, comme les Européens, ce qui signifie que le Royaume‑Uni prend en charge leurs frais de soins. Ils seraient probablement exonérés ?
FG : Oui, tout à fait.
Connexion : Nous avons dialogué avec plusieurs associations d’Américains, et la plupart semblent estimer raisonnable que les personnes dont vous parlez contribuent, à condition que la cotisation minimale soit fixée à un niveau raisonnable. Avez-vous une idée du montant que devrait représenter cette cotisation minimale ?
FG : Non, pas du tout. Je pense que c’est un sujet qui a été mis sur la table pour discussion.
LR : Lorsque vous avez déposé l’amendement, vous n’avez pas mentionné la cotisation subsidiaire maladie, parfois appelée taxe Puma, qui existe déjà. Il faut avoir des revenus du capital assez élevés pour être éligible à payer cette taxe. J’imagine que vous pensez que cela est insuffisant ?
FG : Disons que cela s’applique à certains ressortissants qui disposent de revenus élevés en France, oui, mais ce n’est pas la majorité des ressortissants américains qui bénéficient de la couverture de sécurité sociale, pas du tout.
Connexion : En outre, les pensions de retraite ne font pas partie du revenu pris en compte pour calculer cette taxe Puma, car elles ne sont pas considérées comme provenant du capital. Une idée que j’ai entendue suggérer est que peut-être les pensions étrangères devraient être prises en compte dans le calcul de cette redevance existante ? Cela aiderait-il ?
FG : L’idée était simplement de discuter du sujet, de l’aborder, de dire qu’il existe une forme d’injustice.
Les Français sont aujourd’hui très sensibles à tout ce qui touche à la justice sociale, à tout ce qui concerne l’équité, surtout compte tenu de la situation financière de notre système de sécurité sociale. Donc il s’agit d’une préoccupation.
Les modalités de financement de la contribution restent à déterminer.
Ce travail reste à faire, et j’attends de voir les retours sur le projet de loi de finances de la sécurité sociale du Sénat pour me faire une idée de la manière dont le Sénat a traité la question et de ce qui reste à faire pour parvenir à une solution.
Connexion : Quelles réactions avez-vous reçues jusqu’à présent ? Avez-vous reçu des retours des personnes concernées ou des Américains ?
FG : J’ai reçu des retours de ressortissants étrangers qui me remercient d’avoir évoqué le sujet.
Car pour eux, oui, ils s’indignent de pouvoir bénéficier de cela gratuitement sans rien payer.
Connexion : Lors de la création de Puma – protection universelle maladie – l’idée était de simplifier les choses en disant que les personnes résidant de manière stable en France avaient droit aux soins. N’y a‑t‑il pas un risque que cela complique un peu le concept ?
FG : Cette notion de résidence a, à mon avis, été peut-être mal interprétée ou mal pensée.
Oui, il est tout à fait normal qu’un Français résidant en France et n’ayant aucun revenu puisse bénéficier de Puma. Cependant, dans le cas d’un étranger, je pense que des conditions devraient être imposées, dans l’intérêt de l’équité.
Connexion : Le ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a évoqué lors du débat sur l’amendement la possibilité de réviser certains accords. Il n’était pas clair si elle faisait référence à des accords de sécurité sociale ou à des accords de double imposition. Savez-vous à quoi elle faisait référence ? Nous ne pouvons pas réviser de tels accords unilatéralement.
FG : Je pense que, du point de vue fiscal, nous ne devrions rien changer. C’est principalement dans le domaine de la couverture de sécurité sociale.
En matière de fiscalité, il me semble normal que les revenus soient imposés dans nos pays d’origine. Cela me paraît juste. Même si l’on vit à l’étranger. Cependant, c’est dans le domaine de la sécurité sociale qu’il y a un problème.
