L’extrême droite rompt avec la tradition sur le traité algérien

Le vote pourrait marquer la fin de l’ostracisme généralisé des propositions d’extrême droite par les autres groupes

Un vote historique des députés français sur un traité franco-algérien pourrait signaler la fin de l’ostracisme des propositions d’extrême droite à l’Assemblée nationale.

C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’une motion présentée par un député d’extrême droite est adoptée après avoir été soutenue par d’autres partis.

Les députés français ont approuvé de justesse hier (30 octobre) une résolution dénonçant l’accord franco-algérien de 1968, un traité qui prévoit des règles d’immigration et de résidence différentes pour les Algériens en France.

Le vote a été serré, avec 185 députés en faveur et 184 contre. Une part importante s’est abstenue ou n’était pas présente.

Elle a été déposée par le Rassemblement National (RN) lors de leur « niche parlementaire », un créneau où les partis non gouvernementaux disposent de temps pour présenter leurs propositions à la chambre.

Tous les principaux partis non gouvernementaux disposent de niches parlementaires tout au long de l’année, où ils peuvent déposer leurs propres motions. Le temps qui leur est accordé dépend du nombre de députés qu’ils comptent dans la chambre.

La fin du « cordon sanitaire » contre l’extrême droite ?

La résolution dénonçant le traité est non contraignante. Elle est principalement utilisée pour manifester son mécontentement envers une politique, et ne mènera pas nécessairement à de nouveaux progrès. Elle ne nécessite aucune action supplémentaire de la part du gouvernement.

Cependant, le vote d’hier fut la première législation déposée par le RN à la chambre et adoptée avec le soutien de députés d’autres partis.

Plusieurs membres de l’extrême droite – y compris la députée et membre du parti Marine Le Pen – ont qualifié le vote d’hier de « victoire historique ». À la suite du vote, des députés du parti se sont levés pour une ovation debout.

Traditionnellement, il y a eu un « cordon sanitaire » autour de l’extrême droite à l’Assemblée nationale, les politiciens de tous les autres partis refusant de soutenir les motions présentées par le RN. 

Cette position est entrée en vigueur lorsque le parti s’est présenté sous le nom extrémiste du Front National (FN). Elle est restée en place malgré l’augmentation du soutien au parti, culminant lorsque le RN est devenu le plus grand parti unique dans la chambre à l’issue des élections législatives de 2024. 

Lors de la campagne de 2024, certains députés de droite issus des libéraux-conservateurs Les Républicains ont rompu avec le parti sous Eric Ciotti pour s’allier à l’extrême droite. Bien que la majorité du parti ait refusé de faire de même, cela a été vu comme le premier signe de la rupture du cordon.

L’Union des droites pour la République (UDR), dirigée par M. Ciotti, est le seul autre parti à avoir openly soutenu le RN dans la chambre depuis 2024. Ils font partie de l’alliance d’extrême droite et sont eux-mêmes ostracisés par les autres groupes.

Cordon s’applique aux élections et aux votes

La mise en place du cordon fait partie d’un front républicain plus large promu contre les partis extrémistes en France. Il a efficacement exclu le groupe de toute victoire parlementaire malgré sa croissance, puisque tous les autres groupes se réunissent pour voter contre les propositions présentées par l’extrême droite.

Ce « front » s’étend aux élections. Il a vu des candidats d’autres partis se retirer pour garantir la victoire du candidat non d’extrême droite, ou des partis rivaux s’apporter mutuellement leur soutien lors du second tour pour prévenir une victoire de l’extrême droite. 

La montée récente de l’extrême gauche sous La France insoumise a vu certains politiciens centristes plaider en faveur d’une extension du « front » et du cordon sanitaire vers la gauche.

Cependant, de nombreux partis, y compris les communistes, les socialistes et les écologistes, ont travaillé en alliance avec La France insoumise, notamment dans les coalitions NUPES et NFP en 2022 et 2024.

Récemment, le RN a soutenu des motions de censure déposées par La France insoumise pour renverser les Premiers ministres Michel Barnier (réussi) et Sébastien Lecornu (battu de peu, M. Lecornu restant au pouvoir).

Cependant, des motions similaires déposées par le RN pour démettre les Premiers ministres n’ont pas reçu le soutien d’autres partis dans la chambre, même si elles ont été déposées et votées dans le cadre de la même session.

Cet ostracisme extrême envers le RN a jusqu’alors étouffé la capacité du parti à s’engager dans une politique traditionnelle. Cependant, il a aussi été utilisé pour favoriser sa croissance. 

Le parti a exploité la position des autres groupes pour se présenter comme existant en dehors de l’élite politique, suscitant un soutien populiste.

Réussite singulière ?

Malgré les félicitations des membres du RN et de ses alliés, il est incertain de savoir si le cordon a été coupé pour de bon, ou s’il a été levé temporairement pour ce vote précis.

Le vote est passé en raison d’une abstention généralisée des députés centristes et du soutien d’un peu plus de la moitié des députés de droite Les Républicains à l’Assemblée, d’autres députés du parti s’abstenant.

Les groupes de gauche ont voté contre la motion, bien que beaucoup n’étaient pas présents lors de la séance et n’aient pas pu voter contre elle.

L’accord franco-algérien a été critiqué pendant plusieurs années par des politiciens de toute la droite, y compris des députés de la droite plus traditionnelle. 

Le traité permet aux Algériens d’obtenir des permis de séjour de 10 ans en France. Il permet également aux membres de leur famille vivant en France et ayant obtenu des droits de résidence au titre de ce dispositif de les suivre.

Il a été initialement adopté en 1968 pour promouvoir la réconciliation entre la France et l’Algérie après la guerre d’indépendance de cette dernière, et pour aider à pallier une pénurie de main-d’œuvre en France.

Depuis lors, il a toutefois été régulièrement scruté pour offrir un traitement préférentiel aux Algériens.

Le vote intervient après que des politiciens centristes, y compris l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, aient appelé à une redéfinition du traité, bien que jusqu’à présent le gouvernement n’ait pas choisi de le faire. 

Les tensions actuelles entre la France et l’Algérie sont élevées, avec plusieurs facteurs, notamment les politiques de visa et l’immigration, qui alimentent de grands débats et l’expulsion de diplomates algériens de France.

Des suggestions ont été avancées selon lesquelles le vote d’hier a réussi en raison de son accent sur un texte législatif perçu comme ancien et impopulaire, en plus de son statut non contraignant sur le plan légal qui ne mène à aucun changement de politique. 

Les sondages prédisent actuellement que le RN est en bonne voie pour remporter l’élection présidentielle de 2027, mais si un nouveau tour d’élections législatives avait lieu aujourd’hui, il ne parviendrait pas à obtenir une majorité de députés.

Le fait de ne pas obtenir la majorité à l’Assemblée nationale obligerait le RN à chercher des alliés parmi les autres partis, ou à espérer que d’autres partis lèvent le cordon et ne restent pas engagés à bloquer toute tentative de faire adopter des lois.


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